Les jupes plissées traditionnelles du peuple Miao du sud-est (ou « Qiandongnan ») du Guizhou sont toutes faites à la...
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Rencontre à Wudong
Dans nos voyages en pays Miao, une rencontre a touché profondément nos esprits et nos cœurs, la rencontre de deux enfants merveilleux de mélancolie et d’affection. Ils représentent pour nous l’âme perdue des villages Miao.
Wudong est atteint par une route escarpée et sinueuse dans les montagnes, en deux heures depuis la très touristique Xijiang. Situé à 1300 m, au pied de la montagne sacrée du Tonnerre, Leigong Shan, qui culmine six cents mètres plus haut, Wudong me fait penser aux villages du Queyras dans les Hautes-Alpes ; comme Saint-Véran il est accroché aux flancs d’une montagne, ses maisons de bois, échelonnées sur les pentes, sont tournées vers le sud. Aucun touriste ne se risque dans ce village à l’écart des circuits. Il vit au ralenti, seules des personnes âgées et des enfants semblent l’habiter, les adultes ayant fui vers Canton ou les autres villes du Guangdong pour da gong, « battre le travail ». Des vieilles, vêtues de jupes noires traditionnelles et de vestes bleues brodées simplement, s’affairent seules dans les champs bordant le village.
A l’angle de deux chemins, deux enfants sont postés avec leur chien. La plus âgée, une petite fille de huit ans, nous regarde avec ses yeux noirs, le front froissé légèrement baissé. Deux épingles tirent ses cheveux gras vers l’arrière. Sa petite sœur lui arrive à l’épaule, la tête couverte d’un bonnet en laine rose, plus craintive, elle s’accroche à la manche de sa sœur. Leurs vêtements bariolés sont sales, mais au lieu d’inspirer la pitié, évoquent plutôt la simplicité. Une douceur émane de leur attitude réservée. Dans ce village quasiment désert, l’impression d’extrême solitude dans laquelle ils sont délaissés resserre nos cœurs. Après nous avoir observés un instant, la grande sœur nous demande si elles peuvent nous accompagner. Emboîtant nos pas, la plus petite tout de même à quelque distance prudente, elles répondent à notre curiosité et nous apprennent la vie des enfants de ces villages laissés à l’écart du prodigieux développement chinois. Leurs parents séparés vivent dans des villes lointaines où ils sont allés chercher du travail et les ont abandonnés au village aux soins de leurs grand-parents, qui n’ont guère la force de s’occuper d’eux. Leurs voix neutres cachent mal l’amertume de leurs paroles et leurs gestes dénotent un besoin d’affection. Elles se sentent visiblement bien avec nous et s’efforcent de nous faire faire des détours pour retarder la séparation. Nous arpentons les chemins en pente entre les masures en bois dont certaines ont conservé leur toit d’écorces. Elles nous mènent ainsi à leur maison qu’elles veulent nous faire visiter. Comme dans toute maison Miao, la grande pièce de séjour donne sur un vaste balcon face au sud et à la montagne. La chaleur du bois des murs noircis par la fumée compense l’absence quasi-totale de meubles. La vaisselle et des objets divers sont disséminés en désordre sur le plancher. Derrière l’âtre au milieu de la pièce, un vieux téléviseur. Construite sur un versant pentu, la maison comprend trois niveaux : le rez-de-chaussée sert à parquer les animaux, à ranger les outils, les engrais et héberge les toilettes ; le premier étage abrite la salle de séjour où nous sommes assis, les chambres et la cuisine ; le deuxième étage est principalement utilisé pour stocker les aliments et les céréales. Le grand-père dont le visage respire une immense gentillesse nous offre le thé et les enfants s’assoient près de nous. Nous échangeons des paroles banales qui font chaud au cœur. Nous n’osons poser des questions sur la famille de ces enfants, mais on sent que le vieil homme désespère de l’évolution des mœurs et se sent isolé dans la vie paisible qu’il mène, sans doute la fin de ce village est-elle proche. Et pourtant, aucun signe d’envie ou de regret dans son regard, seulement la satisfaction d’une vie de labeur au rythme des saisons qui sous l’apparence de la pauvreté cache une grande richesse intérieure. Emplis de la sincérité des contacts, nous ne ressentons aucune gêne. Durant la conversation les enfants savourent l’instant de bonheur partagé et nous regardent avec inquiétude. Pourtant nous devons partir et comme nous faisons nos adieux, l’aînée des deux petites filles prend nos mains et nous dit :
- « Emmenez-nous avec vous ! » ;
Les yeux humides, nous leur expliquons alors :
- « Aujourd’hui, on ne peut pas, nous devons continuer notre voyage, mais nous allons revenir »,
- « Quand ? » demande la petite fille en écarquillant les yeux ;
Le cœur gros d’émotion et de notre mensonge, nous lui promettons :
- « Dans trois semaines, maximum » ;
« Trois semaines, cela fait combien de jours ? ».
Nous quittâmes lentement la maison des deux petites sœurs avec regret et nostalgie et leurs frêles silhouettes nous regardant fixement disparurent progressivement. Cependant, nous n’oublierons jamais cette amour simple et sincère d’une famille Miao perdue dans la montagne sans pouvoir jamais calmer un sentiment d’amertume dans nos cœurs.
Pour que le peuple Miao puisse continuer à vivre décemment dans son environnement naturel au sein de familles unies, dont les parents n’auront plus besoin de s’exiler dans les villes et voient grandir leurs enfants heureux, pour que plus jamais deux petites sœurs ne se sentent abandonnées, LA MAISON D’ECHO souhaite contribuer modestement, avec ses moyens limités, en les aidant à mieux apprécier la valeur de leur artisanat traditionnel et à retrouver le sentiment de fierté de leur culture unique dans leurs villages natals.