Culture & Patrimoine
Culture et broderies Hani
Un peuple modeleur de montagnes
Comme les Miao, les Hani ont connu de longues migrations avant de s’établir dans les montagnes du sud du Yunnan. Comme les Miao également, ils ont préservé leurs coutumes et perpétué leur histoire, malgré l’absence d’écriture, grâce aux magnifiques broderies dont ils ornent leurs costumes.
Un peuple tibéto-birman apparenté aux Yi
Les Hani appartiennent à la grande famille tibéto-birmane comme les Yi, les Bai, les Lahu ou les Naxi, parmi les autres ethnies présentes au Yunnan. Ils seraient au total environ deux millions dont les deux-tiers au Yunnan, les autres représentants ayant migré vers les pays voisins du sud de la province.
Installés au VIIème siècle dans le sud-est du Yunnan dans la région du Fleuve Rouge, dans la « préfecture autonome Yi et Hani de Honghe », proche du Vietnam, ils seraient originaires du plateau tibétain du Qinghai.
Selon leur tradition orale, car le peuple Hani ne possédait pas d’écriture avant la retranscription récente de leur langue en caractères latins, chaque groupe s’identifie par l’appartenance à un lignage remontant à 65 générations, dont ils peuvent réciter le nom de leurs ancêtres ; au-delà, ils se rattacheraient aux Yi, leurs cousins dont ils seraient donc une brache dérivée.
Une longue et lente migration
Depuis leur établissement dans la région du Fleuve Rouge ils ont migré dans l’ouest et le sud du Yunnan, dans la vallée du Mékong autour de Lancang et dans le Xishuangbanna, autour de Menghai où ils se nomment Aini et souffrent doublement de leur statut minoritaire, appartenant à une préfecture autonome de la minorité Dai.
Puis au XIXème siècle, les Hani ont poursuivi leur essaimage au Laos, en Birmanie et en Thaïlande où ils sont connus en tant que Akha. Entre Mékong et Fleuve Rouge, les Hani sont éparpillés sur un territoire subtropical vaste et montagneux où ils se consacrent à la riziculture irriguée et étagée de 600 à 2000 mètres d’altitude, remodelant les montagnes dans une admirable architecture en terrasses et recréant des paysages fantastiques comme à Yuanyang, sur les flancs de la montagne Ailao, près de la préfecture de Honghe, proche du Vietnam.
Dans la littérature Tang, les ancêtres du peuple Hani étaient appelés «harmonieux».
Les Hani, un peuple qui porte son histoire sur son dos
Comme les Miao, peuple sans écriture, ils portent leur histoire et leurs légendes sur leurs vêtements et sont réputés pour la richesse de leurs costumes ornés de nombreuses broderies. Les femmes portent des coiffures spectaculaires faites d’argent travaillé, décorées de plumes d’oiseaux teintes, de perles colorées, de tresses de cauris, faisant office de monnaie coutumière, et de piastres d’argent de l’époque coloniale française, signe du brassage des populations avec le Vietnam et le Laos voisins.
En 1895, la France a forcé le gouvernement des Qing à lui céder le territoire des « Quinze Féroces » sur les monts Ailao. Les Hani et les Yi de Mengzi ripostèrent cinq ans plus tard et brûlèrent tout ce qui évoquait la présence française. La France a utilisé ce prétexte pour envoyer des troupes occuper les « quinze féroces » jusqu’à ce qu’ils en soient définitivement délogés en 1935, après des luttes héroïques qui firent la gloire des Hani.
De couleur sombre indigo, les vêtements sont réhaussés de riches broderies, dont chaque motif constitue une sorte d’emblème, une signature ethnique, symboles de l’appartenance à un groupe.
Un art de la broderie aux figures traditionnelles étonnamment modernes
Pour le néophyte, les broderies Hani surprennent par leurs motifs d’apparence souvent géométrique, à la décoration au sens moins transparent que celle des Miao, dans lesquelles on identifie facilement papillons, fleurs ou oiseaux. Ainsi, les motifs des vêtements que nous découvrons chez les Aini de la région de Menghai, nous surprennent par leur figuration abstraite de carrés, de triangles et de spirales.
C’est en fait tout leur espace de vie et leur cosmologie qu’ils reproduisent sur leurs vêtements. Les spirales inscrites dans des triangles évoquent les montagnes aux flancs sculptés par les rizières en escalier, et les bandes dorées en forme de courbe qui les surplombent sur les broderies figurent la voûte céleste, les rizières en terrasse étant conçues comme des lieux intermédiaires de repos pour les dieux.
De même, les carrés coupés par des diagonales recréant à l’intérieur quatre triangles équilatéraux décorés de spirales, représentent l’enceinte du village, facteur de sécurité, et l’axe divin correspond au pieux planté en son centre lors de sa création.
Mythes et légendes
Sur les manches des vêtements sont brodées des frises incluant des motifs de couleurs représentant une fleur symbolisée par quatre points disposés en losange. Cela correspond en fait au « mythe Hani de l’origine du riz selon lequel le démiurge Apo Miye aurait jeté du haut de l’arc-en-ciel la fleur tokabe, qui en tombant sur terre aurait éclaté en quatre grains de riz, matrices originelles de toutes les générations ultérieures de la céréale ».
Les croyances religieuses du peuple Hani sont un mélange de culte des ancêtres et de polythéisme. Ils croient en des dieux puissants, des dragons et des déesses de la nature, pour lesquels il faut procéder à des sacrifices auprès de « l’arbre dragon » au centre du village, afin d’obtenir leu bénédiction et leur protection contre les diables malfaisants qui apportent maladies et désastres.